Monstre sacré de la littérature française né à Villers-Cotterêts, Alexandre Dumas était aussi connu pour son goût immodéré des plaisirs de l’existence. De la gastronomie en particulier. Cet insatiable gourmet, cuisinier inventif et curieux, ogre goulu, engloutissait des repas pantagruéliques. En séjour dans une pension de Trouville, il exigea qu’on lui serve au déjeuner : du potage, des côtelettes de pré-salé, des soles en matelote, un homard en mayonnaise, deux bécassines rôties et une salade… Ce qui donne une petite idée de l’appétit de l’homme de lettres…
En 1869, cet amour de la gastronomie le pousse à entreprendre l’écriture de son Grand dictionnaire de la cuisine. Retiré à Roscoff, dans le Finistère, pour trouver le calme nécessaire à sa rédaction, il remet le manuscrit à son éditeur en mars 1870, quelques mois avant sa mort. L’ouvrage ne paraîtra qu’en 1872, retardé par la guerre.
Si les « recettes » manquent parfois de précision pour être suivies facilement, elles fourmillent d’anecdotes, de digressions, de réflexions en tous genres, servies par la plume du maître. Dictionnaire savoureux et appétissant, le monumental ouvrage est à consommer sans modération, pour le plaisir des papilles et des belles lettres. Voici, en guise d’amuse-bouche, un court extrait tiré des premières pages : « L’homme reçut de son estomac, en naissant, l’ordre de manger au moins trois fois par jour, pour réparer les forces que lui enlèvent le travail et, plus souvent encore, la paresse.[…] Mais, quelque part que l’homme soit né, il faut qu’il mange; c’est à la fois la grande préoccupation de l’homme sauvage et de l’homme civilisé. Seulement, sauvage, il mange par besoin. Civilisé, il mange par gourmandise. »