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Publié le 18 juillet 2017 - Mis à jour le

25 propositions pour l’Aisne

Afin de faire entendre la voix de la ruralité et de contribuer au renouvellement des politiques d’aménagement du territoire, Nicolas Fricoteaux, Président du Conseil départemental de l’Aisne, vient d’adresser 25 propositions d’actions au Chef de l’État.

Ces 25 propositions concernent :

  • La fiscalité locale
  • La compétitivité économique des territoires ruraux
  • Une nouvelle implication de l’Etat en zone rurale
  • Les infrastructures
  • La santé
  • L’éducation
  • La culture

Voici le détail de ces propositions versées au débat national afin que le potentiel et les contraintes du monde rural soient davantage pris en considération.
Dans cette perspective, l’Aisne pourrait devenir un territoire expérimental et d’innovations en matière de lutte contre la fracture territoriale.
Les Parlementaires de l’Aisne ont été sensibilisés à cette action de valorisation du territoire axonais et plusieurs d’entre eux ont, d’ores et déjà, souhaité accompagner cette démarche.

L’EXEMPLE DE L’AISNE : UN TERRITOIRE DANS UNE SITUATION CRITIQUE, AU BORD DE LA RUPTURE

Le département de l’Aisne, l’un des départements les plus ruraux de France, fait face à des difficultés importantes : chômage et désindustrialisation, enclavement, problématiques sociales. A l’image de l’Aisne, c’est une part importante de la ruralité de France qui cherche désormais sa place dans la communauté nationale. Après une présentation synthétique du Département et des défis qu’il doit surmonter, plusieurs propositions sont avancées pour permettre à la ruralité de renouer avec l’attractivité du territoire. A ce titre, l’Aisne souhaite devenir un laboratoire d’une plus grande égalité territoriale.

1. L’impact de la faible densité de la population

Le département de l’Aisne possède une densité moyenne de 73,5 habitants par km². Il compte majoritairement des espaces ruraux présentant des densités très faibles. Cette spécificité, très insuffisamment prise en compte par lÉtat, se révèle être un frein : coût des transports, services diffus, absence de maillage territorial fort.
Le département, sans véritable pôle urbain, compte seulement 7 communes de plus de 10 000 habitants. A ce titre, il génère quelques secteurs plus denses et peuplés avec une demande en services élevée. Pour autant, bien qu’exerçant le rôle de pôles de centralité, la faible taille des communes les plus importantes de l’Aisne ne leur permet pas de jouer à plein leur rôle d’acteur économique dynamique, ni celui de pôle de centralité et de services.

2. Une structure sociale et socio-professionnelle déséquilibrée

Avec une forte tradition industrielle, notamment sur les espaces de vallées ou en lien avec l’industrie agroalimentaire en Thiérache, la structure sociale de l’Aisne est marquée par la surreprésentation des ouvriers par rapport à la moyenne française (33% contre 23,3%). A la suite des grands mouvements industriels de ces 40 dernières années et des relocalisations, notamment vers des zones urbaines plus attractives, cette population ouvrière se retrouve avec des perspectives économiques fortement amoindries.
L’Aisne compte également une certaine surreprésentation des agriculteurs. Ce secteur représente toujours une part significative du PIB départemental mais avec le phénomène de concentration agricole et la mécanisation, il ouvre peu de débouchés professionnels.

3. Analyse de la précarité

- En termes d’Emploi
Le chômage représente l’enjeu essentiel pour le Département avec un taux global de 13,7% au quatrième trimestre 2016 (contre 10% au niveau national et un taux de 16,4% en Thiérache ou encore de 15,2% sur le bassin d’emploi du saint Quentinois).

- En matière d’Éducation
L’Aisne connait un fort déficit de qualification, notamment de formation supérieure. En effet, trois unités de l’Université picarde, limitées au niveau Licence Pro, peuvent accueillir des étudiants dans l’Aisne. Seuls 16,2% des plus de 15 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur contre 25,7% en France. De plus, 23,2% restent sans diplôme contre 17,6% à l’échelle nationale. Les 18-24 ans étaient bien moins scolarisés dans l’Aisne en 2011 qu’en France (36,8% contre 51,9%).
Enfin, un constat est encore plus alarmant : le taux d’illettrisme atteint 11% des 18-65 ans alors que la moyenne nationale est de 7%. Ceci constitue le taux le plus élevé de France.

- Sur le volet social
L’Aisne est l’un des départements les plus pauvres de France, avec un revenu médian annuel par habitant de 16 854 €. A peine plus de la moitié des ménages est imposée.
Les allocataires du RSA représentent près de 5% de la population des plus de 20 ans contre 3,8% en France. De plus, l’Aisne connait un vieillissement sensiblement plus important que le reste du territoire métropolitain, ce qui suppose aussi des enjeux particulièrement prégnants en termes d’accès aux services publics.

- Sur le plan de la santé
L’Aisne connaît une surexposition aux risques de santé en raison de la précarité sociale de sa population (7% des habitants bénéficient de la CMU complémentaire contre 5,7% en France) et de la très faible densité médicale (78,7 médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 96,9 en France métropolitaine). L’absence de CHU dans l’Aisne génère par ailleurs des difficultés de recrutement dans certaines spécialités.

AVEC UN CONSEIL DÉPARTEMENTAL TRÈS CONTRAINT FINANCIÈREMENT, LE CONSTAT D’ABANDON DU MONDE RURAL S’ACCENTUE

Chef de file des solidarités humaines et territoriales, le Conseil départemental voit ses capacités d’intervention décliner depuis plusieurs années. En termes de recettes propres, les Droits de Mutation à Titre Onéreux sont atones depuis plusieurs exercices. Ce manque de dynamisme des recettes de la collectivité contraste avec celui de ses dépenses. Le Département n’a, en effet, que peu de prise sur la ma-îtrise de l’évolution des allocations individuelles de solidarité.

Ainsi, le reste à charge hors aides exceptionnelles de ces politiques nationales a presque doublé entre 2009 et 2017, passant de 39 à 76 millions d’euros. De même, la Loi confie au Président du Département la mission de protection de l’enfance, ce qui représente aujourd’hui une charge de 65,7 millions d’euros, soit environ 10% de son budget total.
Afin de compenser cette situation, le Département a choisi ces dernières années de maintenir un haut niveau d’investissement en faisant porter sur la fiscalité locale le poids de cette politique de relance. Aujourd’hui, la dette du Département se situe bien au-delà de la moyenne de la strate et dépasse le seuil de 10 ans de capacité de désendettement. Par ailleurs, le taux de foncier bâti, situé parmi les plus élevés de France (31,72%), exclut toute perspective de recours à la hausse de la fiscalité.

 

FAIRE DE L’AISNE UN TERRITOIRE EXPÉRIMENTAL
25 PROPOSITIONS D’ACTIONS AFIN DE RÉARMER LA RURALITÉ

 

• RÉTABLIR UNE JUSTICE FISCALE POUR LES ACTEURS DE PROXIMITÉ

Pour les communes :
➢ Attribuer une base unique de DGF à toutes les communes quelle que soit leur taille (64,46 € par habitant actuellement pour les communes de moins de 500 habitants et 128,93 € pour les villes de plus de 200.000 habitants)

Pour les départements :
➢ Répartir équitablement les recettes issues des Droits de Mutation à Titre Onéreux sur la base d’une assiette nationale et non plus départementale, dans le cadre d’une péréquation horizontale (334,35 €/h à Paris en 2015 contre 63,32 € dans l’Aisne. La moyenne des DMTO/h étant de 139 €, l’Aisne « constate » un écart de 40,8 M€ de ressources à ce titre)
➢ Une fiscalité sur les sièges sociaux en adéquation avec le PLFr 2016 : mettre en œuvre pour les groupes de sociétés les règles de la CVAE appliquées aux sociétés multi-établissements
➢ Concernant le RSA et le reste à charge, l’Etat doit assumer la dimension nationale de la solidarité exprimée au travers de cette allocation en instaurant une véritable péréquation horizontale ou verticale, voire en recentralisant le financement sur la base des ressources transférées en 2009

• REDONNER DE LA COMPETITIVITE ECONOMIQUE AUX TERRITOIRES RURAUX

➢ Amplifier le dispositif ZRR existant par une exonération totale de charges patronales pour les commerces et les services identifiés comme étant « défaillants », sur la base des schémas départementaux d’accessibilité aux services (en les rendant prescriptifs). Ce dispositif pourrait s’apparenter à des « zones franches rurales »
➢ Elargir le dispositif ZRR aux entreprises de plus de 50 salariés et accroître la durée d’exonération afin de rendre les territoires ruraux plus attractifs et plus compétitifs
➢ Développer l’économie circulaire et solidaire (emplois environnementaux basés sur la réutilisation des matières premières) : exonération de charges patronales, transfert du RSA perçu initialement par le salarié en déduction du coût du poste (effort pouvant être partagé à parité entre l’Etat et le Département)
➢ Attribuer aux paysans une « prestation d’entretien de la ruralité » tenant compte de leur contribution environnementale (notamment préservation des cours d’eau et des périmètres de captage d’eau potable, entretien des linéaires de haies, de chemins)

Un positionnement pour l’Aisne :
> Devenir un laboratoire de la transition énergétique (formation, recherche & développement), de l’innovation en matière de performance énergétique des logements


• UNE NOUVELLE IMPLICATION DE L’ÉTAT EN ZONE RURALE

➢ Création de zones « allégées » de formalités administratives pour les investisseurs (durées d’instruction raccourcies pour les permis de construire, les déclarations aux services de l’État...)
➢ Construction d’équipements de l’Etat en zone rurale afin de créer des emplois pérennes : centres pénitentiaires, centre d’accueil pour le service militaire volontaire, équipements issus de la 4e concertation du plan autisme par exemple
➢ Une affectation des moyens humains et de fonctionnement des services de l’Etat en zone rurale qui tient compte des facteurs d’éloignement (densité de la population), du maillage du territoire et des difficultés sociales

• DISPOSER D’INFRASTRUCTURES DE COMMUNICATION

➢ Modification de la définition technique d’une « zone blanche »
➢ Obligation pour les opérateurs de téléphonie mobile de partager leurs infrastructures, extension du service de téléphonie universel fixe au téléphone mobile (voix et data)
➢ Dotation de l’ARCEP de réels pouvoirs de sanctions et de contraintes afin de veiller au respect, par les opérateurs, de leurs obligations de couverture
➢ Porter un effort particulier en matière d’infrastructures routières et ferroviaires pour les zones rurales : mise en œuvre d’un plan de rattrapage et d’une politique de grands travaux pour un véritable désenclavement des territoires ruraux

Concrètement, pour l’Aisne, ceci signifie :
Volet « routier »
Description : -  Révision du Contrat de Plan État-Région avec la reprise par l’État des financements Départementaux, programmation des travaux de doublement de la RN2 au nord de Laon, en déclarant l’urgence
Description : -  Initier la sécurisation et la modernisation de la liaison transversale avec l’Oise de la RN31
Description : -  Accompagnement par l’État de la modernisation des routes départementales structurantes issues des routes nationales d’intérêt local transférées en 2006 : RD1 et RD1029
Description : -  Désenclavement de la Thiérache par la modernisation de la RD 1043 et de la RD 946

Volet « ferroviaire »
Description : -  Investissement massif de l’Etat sur les lignes structurantes pour l’Aisne et qui sont en manque significatif d’investissements (Hirson-Laon menacée à l’horizon 2022 et Laon-Paris menacée à l’horizon 2024, la Ferté-Milon / Fismes fermée aux voyageurs depuis 2016)


• L’OFFRE DE SANTE, UN ENJEU FONDAMENTAL

➢ Régionalisation des épreuves classantes (ECN, ancien concours d’Internat) sur la base d’une carte définie avec la profession médicale
➢ Permettre aux étudiants en médecine de suivre leur internat dans les régions administratives voisines de leur Université
➢ Incitations positives à l’installation dans les zones répertoriées à faible densité de médecins (survalorisation des actes)
➢ Assouplissement des conditions de financement des structures d’accueil par l’ARS (maisons de santé)

• L’EDUCATION : QUELLE ECOLE RURALE DEMAIN ?

➢ Instauration d’une « Prime ruralité enseignant » et valorisation de carrière en milieu rural pour compenser les difficultés à attirer des enseignants dans les zones peu denses
➢ Extensions des ZEP-R (Zone d’Éducation Prioritaire Rurale) ouvrant les mêmes droits qu’en ZEP
➢ Assouplissement des critères de fermeture et d’ouverture d’une classe en ZEP-R (nombre minimal d’élèves différencié entre l’urbain et le rural)
➢ Accord préalable du Préfet avant toute proposition de modification de la carte scolaire et dialogue obligatoire avec les associations départementales des maires (à l’image des instances de dialogue « CDPPT » - commissions départementales de présence postale territoriale -)
➢ Réaffectation des moyens « économisés » par l’Éducation nationale (à la suite d’une fermeture d’école par exemple) sur le secteur impacté afin d’accompagner durablement le regroupement scolaire et de consolider les moyens consentis en investissement par les élus locaux (dotation annuelle pérenne)

Concrètement pour l’Aisne :
Description : -  Par la mise en application de nouvelles méthodes pédagogiques, par l’affectation de moyens, le département propose de devenir un territoire expérimental en matière de lutte contre l’illettrisme


• CULTURE

➢ Lancer des projets fédérateurs à l’échelle du Département, des projets porteurs de développement culturel et économique

A l’image du projet culturel structurant situé au nord de l’Aisne qu’est le familistère de Guise, un second projet structurant peut-être envisagé :
En complément de l’appel à projets lancé en direction du secteur privé par le Ministère de la Culture, réaffectation touristique et/ou culturelle du château de François 1er à Villers-Cotterêts (positionnement « sud » de l’Aisne)