La Caverne du Dragon est d’abord une carrière de pierre calcaire, qui fut exploitée du XVIe siècle à la fin du XIXe, pour le compte de l’abbaye de Vauclair. Les galeries servirent ensuite d’annexe à la "Ferme de la Creute" construite au même endroit. Quand la guerre éclate, la Ferme de la Creute et celle d’Hurtebise sont tenues par les Français jusqu’à la violente offensive allemande du 25 janvier 1915 dont l’objectif est de s’approprier ce secteur et ses souterrains, idéalement placés d’un point de vue stratégique.
Ce sont les Allemands qui donnent son nom à la Caverne du Dragon (Drachenhöhle). Le crépitement des mitrailleuses et les fumées qui s’échappent des différentes entrées évoquent pour eux l’antre de ces monstres légendaires très présents dans le folklore germanique.
La grotte peut contenir un bataillon entier. Les Allemands l’électrifient, installent le téléphone, forent un puits, aménagent une chapelle et creusent des galeries pour assurer une connexion avec les postes arrières. Le 25 juin 1917, la Caverne est reprise par les Français. Ce succès militaire fait suite aux terribles pertes françaises de l’offensive Nivelle et c’est une aubaine pour la presse qui est en mal d’épisodes victorieux. Les journaux en font un récit héroïque sans doute un peu monté en épingle mais il n’en reste pas moins que 340 Allemands sont faits prisonniers ce jour-là.
La construction d’un mythe
Dès la fin de la Grande Guerre, le Chemin des Dames devient un lieu de pèlerinage pour les familles endeuillées, les touristes ou anciens combattants. Beaucoup en profitent pour faire une halte à la Caverne du Dragon et visiter la carrière au nom mythique. Le guide Michelin des Champs de bataille indique comment s’y rendre dès 1920. A cette époque, Alphonse Hanras devient le premier guide. Breton d’origine, l’homme n’a pas combattu durant la guerre, vraisemblablement exempté en raison d’une infirmité à la jambe. Narrateur de talent, il a l’art et la manière de captiver les visiteurs qu’il fait descendre dans la pénombre des galeries, une lampe à la main. Il est le principal artisan des « mythes » de la Caverne du Dragon notamment les très hypothétiques combats au corps à corps dans le noir... Rien n’a pu attester de la réalité de tels combats à ce jour, mais l’impression que le récit du guide laisse sur les visiteurs est très forte et contribue à faire connaître le lieu.
Vers un musée
Après la Seconde Guerre mondiale le site tombe un peu dans l’oubli. Il faut attendre les années 1960 et le cinquantenaire de la Première Guerre mondiale pour voir le Chemin des Dames retrouver un peu de sa notoriété. L’association nationale Le Souvenir Français prend en gestion le site en 1968 et le transforme en musée, en 1969, sous l’impulsion de M. Henri de Benoist, président de la jeune chambre économique de Laon, de M. Gérard de Francqueville, qui y associe le Souvenir Français et de M. Maurice Bruaux, directeur du Comité du tourisme de l’Aisne.
Un appel aux dons est lancé en février 1969 sur les ondes de RTL. Des objets et des documents affluent de toute la France. Le premier musée ouvre ses portes le 4 mai 1969. Celui-ci s’apparente à un musée militaire, avec des vitrines et des mannequins présentés dans la carrière même. Auguste Rogez qui, enfant, accompagnait le tout premier guide, Auguste Hanras, reprend alors les visites guidées, une lampe à acétylène à la main, et plonge un moment dans le noir les visiteurs impressionnés.
En 1993, l’association, désireuse de céder la charge du site, signe un bail emphytéotique avec le Département de l’Aisne. En avril 1997, on inaugure les sites du jalonnement du Chemin des Dames et le 13 novembre commencent les travaux à la Caverne du Dragon avec la construction d’un bâtiment d’accueil.
Le 5 juillet 1999, est inauguré le nouvel espace muséographique : dans la carrière, une installation scénographique centrale, intitulée « Les flambeaux de la Mémoire », évoque autant le champ de bataille et ses tranchées que les tombes des combattants.
En 2007, ce sont les sculptures de la « Constellation de la douleur » de Christian Lapie installées près du site, qui rendent hommage aux tirailleurs africains.
Devenu départemental, le site a accueilli près d’un million de visiteurs et plus d’une vingtaine d’expositions temporaires au cours des vingt dernières années.
Le 4 mai 2019 a été inauguré le nouveau Centre d’Accueil du Visiteur du Chemin des Dames dédié à l'interprétation de l'Histoire, de la géographie et de la mémoire du Chemin des Dames.