La mairie de Laon projette un réaménagement de la place du général Leclerc qui se situe juste devant l’Hôtel de Ville. C’est dans ce cadre que les équipes du service archéologique du Conseil départemental de l’Aisne ont réalisé un “diagnostic archéologique“ en creusant trois tranchées qui représentent à peu près 10 % de l’emprise du projet d’aménagement. « Pour perturber le moins possible la circulation et le stationnement, les tranchées ont été creusées puis rebouchées l’une après l’autre. » Chef du service archéologie Sébastien Bernez fait la visite de la dernière tranchée avec un groupe de Laonnois curieux de connaître les résultats de l’opération.
« Le principe du diagnostic, c’est de regarder ce qu’il y a dans le sous-sol, de voir aussi ce qui correspond ou ne correspond pas avec les données que nous fournissent diverses archives comme, dans le cas présent, le “plan Wallon” de 1829. Les vestiges intéressants sont ensuite protégés par un géotextile et on rebouche. Selon le rapport qui sera fait, les services de la DRAC estimeront si des fouilles complémentaires doivent être menées, mais si l’aménagement prévu ne porte pas atteinte à ces vestiges, il sera réalisé tel qu’il est projeté. »
La tour prend garde
Si les découvertes faites lors de ce diagnostic ne sont pas spectaculaires visuellement, elles sont d’un grand intérêt scientifique. Les deux premières tranchées ont en effet mis en évidence un mur circulaire identifié comme le mur de contrescarpe du fossé qui ceinturait la tour Philippe Auguste. Cette tour, un imprenable donjon de 30 mètres de haut pour 13 mètres de diamètre construit entre 1202 et 1214, était un symbole du pouvoir royal réaffirmé par Philippe Auguste après l’insurrection des Laonnois qui avait conduit à l’assassinat de l’évêque Gaudry en 1112. « Ce puissant donjon a été détruit en 1836. Cela peut paraître étrange pour notre époque où la vieille pierre et le patrimoine en général est très valorisé, mais la municipalité d’alors avait une vision plus pratique, on entrait dans l’ère industrielle et il était nécessaire d’aérer l’espace urbain et de faciliter la circulation. » Le mur du fossé qui a été révélé était complètement maçonné et la qualité du travail suggère qu’il était visible. C’était vraisemblablement un fossé “sec” car des douves remplies d’eau auraient occasionné des épidémies dans la chaleur de l’été. L’identification du fossé permet également de situer avec précision l’emplacement de la tour. « Il aurait été intéressant d’essayer de la retrouver mais il y a trop de réseaux de gaz et d’électricité à cet endroit. »
Occupation romaine
Autre découverte, et non des moindres : une importante quantité de céramiques romaines a été trouvée dans la deuxième tranchée, côté “Bistrot de la mairie“, dans les restes d’un petit bâtiment enterré. Les céramologues du service archéologie ont là une vraie mine d’or à analyser et à dater. Dans la tranchée centrale, une structure qui semble être un silo a été identifiée et là aussi, des monnaies et des céramiques romaines, notamment un tesson présentant un décor “à la molette“ qui suggère plutôt le Bas Empire.
« La présence romaine sur le plateau de Laon est toujours “en bruit de fond“ dans les fouilles archéologiques qui ont été menées jusqu’à présent mais jamais une structure romaine caractérisée n’a encore été mise en évidence. Nos découvertes pourraient en être enfin la preuve si les analyses qui vont suivre viennent confirmer nos intuitions.»