Le « divin marquis » n’est pas né dans l’Aisne et n’y avait pas d’attache particulière. Pourtant, c’est bien au château de Condé-en-Brie, dans le sud de l’Aisne, qu’on découvrit au lendemain de la 2nde Guerre mondiale un coffre, dissimulé et scellé derrière les étagères de la bibliothèque, avec à l’intérieur, stupeur ! Une centaine de manuscrits de la main du marquis !
L’histoire du château explique tout : la principauté de Condé est créée en 1557 par Louis de Bourbon, prince de sang. Le domaine passe ensuite aux comtes de Soissons puis aux princes de Savoie avant d’être racheté par le marquis de La Faye. Sa petite-fille en devient propriétaire par héritage jusqu’en 1814, date à laquelle c’est sa cousine germaine, la comtesse de Sade, qui en devient à son tour l’héritière. Le château entre donc dans la famille de Sade sous la Restauration et y reste jusqu’en 1983 quand il est racheté par la famille de Rochefort, les actuels propriétaires.
Les manuscrits dissimulés sont en fait les rares documents qui furent sauvés des flammes à la mort de Sade, le 2 décembre 1814. On y trouve des pièces de théâtre écrites durant ses séjours en prison.
Rappelons que Sade, qui vécut jusqu’à l’âge honorable de 74 ans, passa en tout presque 30 ans derrière les barreaux.
Le boudoir ou le mari crédule, Le capricieux, L’égarement de l’infortune, aucune de ces pièces de théâtre ne fut jamais jouée. Seul Le misanthrope (sic) par amour, comédie en 5 actes écrite en 1791 fut acceptée par la Comédie française. Parmi les documents retrouvés figurait également une liste de courses dressée par Sade lui-même dans sa prison du donjon de Vincennes. Il y réclame des livres, un cahier de 600 pages, de grandes bougies de nuit et « un coussin pour le croupion ».
Le fait que ces documents soient cachés illustre le tabou total qui a frappé le nom de Sade jusqu’au milieu du XXe siècle. « Le nom de Sade avait été gratté de l’arbre généalogique » témoigne Thibault de Sade, son descendant. « Toute leur vie, nos parents se sont battus pour faire connaître son œuvre, contre les préjugés, contre les mensonges et pour la vérité. »
Le saviez-vous ?
Bravant la censure, Jean-Jacques Pauvert fut le premier à éditer Sade à la fin des années 40. En 1990, le sulfureux marquis entrait dans la Pléiade !