Les chars français arrivent dans le Laonnois
Alors que le colonel de Gaulle arrive dans la soirée du 15 mai 1940 dans l’Aisne, ce n’est que le 16 mai dans la matinée que les chars B1 Bis du 46e BCC le rejoignent, arrivés par voie ferrée. de Gaulle, qui voit peu à peu ses forces augmenter, décide de préparer une reconnaissance offensive de 25 km en direction de Montcornet où les Allemands sont signalés. De l’avis même de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Rime-Bruneau : « C’est de la folie mais de Gaulle compte sur le choc psychologique ». A la nuit tombée, il donne personnellement ses ordres aux chefs des unités qui doivent attaquer tandis que, conscients du danger, les Allemands disposent de leur côté des mines sur les points de passage et organisent des positions défensives à l’aide de pièces antiaériennes et antichars. Vers minuit, le commandant Bescond, commandant du 46e BCC, quitte le poste de commandement du colonel de Gaulle et, conscient du danger de la mission qu’il devait accomplir le lendemain, confie à ses officiers : « Ce sera mon Reichshoffen ».
La charge vers la vallée de la Serre
Carte de la bataille de Montcornet. © F.Lefort, CD02
Le 17 mai, les chars B1 Bis du commandant Bescond s’élancent à 4h15 de la lisière de la forêt de Samoussy, où ils ont passé la nuit et débouchent en direction de Liesse-Notre-Dame. Là, les B1 Bis s’engouffrent dans la ville et au tournant qui se trouve près du sanctuaire, un B1 Bis rate même son virage et arrache un bloc de pierre d’un pilier, puis continue sa route. A Chivres-en-Laonnois, les chars français rencontrent une colonne allemande probablement égarée. Pensant sans doute déborder leurs adversaires dont ils ignorent le nombre, six B1 Bis quittent la route et s’embourbent dans les marais (cinq seront récupérés plus tard). Sans infanterie pour les épauler, du temps est perdu pour prendre le contrôle de Chivres-en-Laonnois et Bucy-lès-Pierrepont, occupés par les rescapés de la colonne allemande rencontrée. En fin de matinée les chars B1 Bis, particulièrement gourmands en essence, doivent refaire le plein en vue de l’attaque sur Montcornet.
Char B1 bis n°391 « Craonne » du 46e BCC, abandonné à la suite d’une panne mécanique devant Chivres-en-Laonnois (demi-arbre cassé). © Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1228
L’attaque de Montcornet
Défendue par des unités du génie allemand et un bataillon de DCA en position antichar, Montcornet est difficile à approcher, et les chars du 24e BCC s’en sont rendu compte en début d’après-midi. Plus rapides, ces derniers étaient en effet descendus vers Montcornet en premier, alors que dans la conception de l’attaque, ce sont les B1 Bis qui devaient attaquer en premier, or ces derniers mettent près de quatre heures pour faire les pleins d’essence et ne peuvent rejoindre la bataille qu’à 16h. Tandis que la 1ère compagnie du 46e BCC avance par la gauche, les 2e et 3e compagnie s’élancent ainsi par la droite et le centre avec le commandant Bescond et dépassent Clermont-les-Fermes par l’est. Leurs ordres sont de rentrer dans Montcornet et d’ouvrir le feu durant dix minutes avant de décrocher, mais apercevant le clocher de La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, les tankistes le prennent pour celui de Montcornet et manquant de cartes, la 2e compagnie en prend la direction.
Char B1 bis n° 484 « Lyautey » du 46e BCC abandonné à la suite d’une panne d'essence à Bucy-lès-Pierrepont le 17 mai 1940.
La fin du Sampiero Corso
Dans La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, vers 18h, le commandant Bescond et la 2e compagnie du 46e BCC sont pris à partie par un canon de 8,8 cm de Flak. Après une quinzaine de minutes de combat, toujours sans soutien d’infanterie ni d’artillerie face à une solide résistance allemande, Bescond s’apprête conformément aux ordres à ordonner le repli lorsque son char, le « Berry-au-Bac », tombe en panne. Le « Sampiero Corso » et le « Duguesclin » se portent immédiatement au secours de leur chef, dont l’équipage, hormis le chasseur Signol qui reste auprès du « Berry-au-Bac », embarque à bord du « Sampiero Corso » qui reprend la route de Clermont-les-Fermes. C’est là que vers 18h15, deux coups directs tirés par une pièce de 8,8 cm de Flak allemande atteignent le char, carbonisant les huit hommes qui en composaient le double équipage. L’armée allemande procéda à leurs funérailles et deux croix en bois furent apposées, l’une allemande avec une inscription : « Hier resten Fr. Soldaten des Französichen Panzerwagen n° 399 Sampiero-Corso », et l’autre française, surmontée d’un casque de tankiste, avec la traduction : « Ici restes de soldats français du char français n° 399 Sampiero-Corso ».
Un lieu de mémoire
Monument du char « Sampiero Corso » à La Ville-au-Bois-lès-Dizy ©Conseil départemental de l’Aisne.
Aujourd'hui, à l’emplacement du tertre où ils furent enterrés on peut voir un monument surmonté du tourelleau du char « Sampiero Corso » sur lequel on peut lire les noms des hommes qui ont péri ce 17 mai 1940 : chef de bataillon Bescond, sous‑lieutenant Henrion, sergent Vaille, sergent Mousset, caporal Durand, chasseur Lauxeur, chasseur Robellet et chasseur Richard. Tant par la personnalité du commandant Bescond (qui était un ancien des chars, ayant participé à la première attaque des chars français à Berry-au-Bac le 16 avril 1917) que par le contexte de l’attaque et les circonstances du décès de l’équipage du « Sampiero Corso », ce monument symbolise en quelque sorte la mémoire combattante de la bataille de Montcornet. Le 17 mai 2020, c’est d’ailleurs près de ce monument que les commémorations du 80e anniversaire de la Bataille de France furent célébrées en présence du président de la République française Emmanuel Macron.
Instant de recueillement du président de la République Emmanuel Macron devant le monument du char « Sampiero Corso ». © Site de la Présidence de la République
A voir au cimetière communal de La Ville-aux-Bois-lès-Dizy
Initialement enterré à côté de l’épave du char « Sampiero Corso », le double équipage qui était à son bord fut exhumé le 12 août 1941 en présence des familles et des anciens du 46e BCC et enterré au cimetière communal du village dans une tombe collective. Sur le côté de cette tombe, on peut voir un canon de 47mm SA 35 d’une tourelle APX-5 qui équipait le char B1 Bis.
Tombe collective du double équipage du char « Sampiero Corso » au cimetière communal de La Ville-au-Bois-lès-Dizy. © Conseil départemental de l’Aisne.