Publié le 13 mai 2022 - Mis à jour le

La fin du Sampiero Corso, 17 mai 1940

Passée la surprise des premiers jours de l’invasion allemande, l’état-major de l’armée française décide le 15 mai de rétablir le front à tout prix et de protéger Paris, persuadé que l’axe d’attaque visé par la Wehrmacht va s’infléchir à un moment ou à un autre vers le sud, comme en 1914. Pour contrer cela, un nouveau front est constitué de la Somme à l’Aisne. Pour couvrir l’installation des troupes françaises et gagner du temps, il est décidé d’envoyer en urgence dans la région de Laon une unité nouvellement créée sous le commandement de l’un des théoriciens de l’arme blindée en France : la 4e division cuirassée (DCR) du colonel de Gaulle. Le 17 mai, cette division effectue une reconnaissance offensive en direction de Montcornet qui sera fatale au char « Sampiero Corso », du 46e bataillon de chars de combat (BCC).

Les chars français arrivent dans le Laonnois

Alors que le colonel de Gaulle arrive dans la soirée du 15 mai 1940 dans l’Aisne, ce n’est que le 16 mai dans la matinée que les chars B1 Bis du 46e BCC le rejoignent, arrivés par voie ferrée. de Gaulle, qui voit peu à peu ses forces augmenter, décide de préparer une reconnaissance offensive de 25 km en direction de Montcornet où les Allemands sont signalés. De l’avis même de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Rime-Bruneau : « C’est de la folie mais de Gaulle compte sur le choc psychologique ». A la nuit tombée, il donne personnellement ses ordres aux chefs des unités qui doivent attaquer tandis que, conscients du danger, les Allemands disposent de leur côté des mines sur les points de passage et organisent des positions défensives à l’aide de pièces antiaériennes et antichars. Vers minuit, le commandant Bescond, commandant du 46e BCC, quitte le poste de commandement du colonel de Gaulle et, conscient du danger de la mission qu’il devait accomplir le lendemain, confie à ses officiers : « Ce sera mon Reichshoffen ».

La charge vers la vallée de la Serre

Char B1 bis n°391 « Craonne » du 46e BCC, abandonné à la suite d’une panne mécanique devant Chivres-en-Laonnois (demi-arbre cassé). © Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1228

L’attaque de Montcornet

Défendue par des unités du génie allemand et un bataillon de DCA en position antichar, Montcornet est difficile à approcher, et les chars du 24e BCC s’en sont rendu compte en début d’après-midi. Plus rapides, ces derniers étaient en effet descendus vers Montcornet en premier, alors que dans la conception de l’attaque, ce sont les B1 Bis qui devaient attaquer en premier, or ces derniers mettent près de quatre heures pour faire les pleins d’essence et ne peuvent rejoindre la bataille qu’à 16h. Tandis que la 1ère compagnie du 46e BCC avance par la gauche, les 2e et 3e compagnie s’élancent ainsi par la droite et le centre avec le commandant Bescond et dépassent Clermont-les-Fermes par l’est. Leurs ordres sont de rentrer dans Montcornet et d’ouvrir le feu durant dix minutes avant de décrocher, mais apercevant le clocher de La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, les tankistes le prennent pour celui de Montcornet et manquant de cartes, la 2e compagnie en prend la direction.

Char B1 bis n° 484 « Lyautey » du 46e BCC abandonné à la suite d’une panne d'essence à Bucy-lès-Pierrepont le 17 mai 1940. © Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1

La fin du Sampiero Corso

Dans La Ville-aux-Bois-lès-Dizy, vers 18h, le commandant Bescond et la 2e compagnie du 46e BCC sont pris à partie par un canon de 8,8 cm de Flak. Après une quinzaine de minutes de combat, toujours sans soutien d’infanterie ni d’artillerie face à une solide résistance allemande, Bescond s’apprête conformément aux ordres à ordonner le repli lorsque son char, le « Berry-au-Bac », tombe en panne. Le « Sampiero Corso » et le « Duguesclin » se portent immédiatement au secours de leur chef, dont l’équipage, hormis le chasseur Signol qui reste auprès du « Berry-au-Bac », embarque à bord du « Sampiero Corso » qui reprend la route de Clermont-les-Fermes. C’est là que vers 18h15, deux coups directs tirés par une pièce de 8,8 cm de Flak allemande atteignent le char, carbonisant les huit hommes qui en composaient le double équipage. L’armée allemande procéda à leurs funérailles et deux croix en bois furent apposées, l’une allemande avec une inscription : « Hier resten Fr. Soldaten des Französichen Panzerwagen n° 399 Sampiero-Corso », et l’autre française, surmontée d’un casque de tankiste, avec la traduction : « Ici restes de soldats français du char français n° 399 Sampiero-Corso ».

Un lieu de mémoire

Instant de recueillement du président de la République Emmanuel Macron devant le monument du char « Sampiero Corso ». © Site de la Présidence de la République

A voir au cimetière communal de La Ville-aux-Bois-lès-Dizy

Initialement enterré à côté de l’épave du char « Sampiero Corso », le double équipage qui était à son bord fut exhumé le 12 août 1941 en présence des familles et des anciens du 46e BCC et enterré au cimetière communal du village dans une tombe collective. Sur le côté de cette tombe, on peut voir un canon de 47mm SA 35 d’une tourelle APX-5 qui équipait le char B1 Bis.

Tombe collective du double équipage du char « Sampiero Corso » au cimetière communal de La Ville-au-Bois-lès-Dizy. © Conseil départemental de l’Aisne.