Le diagnostic a démarré le 27 avril dernier dans le cadre d‘un projet de construction mené par l’OPAL sur le boulevard Alexandre Dumas, à peu de distance du lycée Gérard de Nerval. En ouvrant des tranchées sur une surface représentant 10% de l’emprise du projet, comme c’est l’usage pour un diagnostic, ce sont d’abord les restes d’un gros mur d’habitation qui sont apparus, à un mètre de profondeur à peine. Quelques remblais de terre plus tard, à 1,70 m sous terre, apparaissait un sol incrusté de mosaïques et de petits blocs de marbre décoratifs. La maison découverte daterait du Ier siècle. « Ce qui est surprenant, c’est que nous sommes sur un site où des fortifications ont été érigées au XIXe et normalement, ces vestiges gallo-romains auraient dû être engloutis dans le fossé creusé au pied de ces fortifications » explique Anthony Lefèbvre, responsable d'opération au service archéologique du Conseil départemental. « Le rempart a été construit différemment à cet endroit et une avancée de terre a permis la conservation de cette villa qui devait être la demeure de quelqu’un d’importance. »
Maison de maître
Le sol en mosaïque d'une villa gallo-romaine
Plusieurs indices nous renseignent sur le statut des occupants, car en plus du sol de mosaïque, de nombreux restes d’enduits peints ont été mis au jour, ce qui n’a pas manqué d’intéresser le Centre d’études des peintures murales romaines (CEPMR) . « Nous avons notamment retrouvé un fragment présentant un pigment vert qui n’était pas fabriqué sur place mais forcément importé de l’étranger. C’était une couleur chère et difficile à se procurer pour des populations de la Gaule du Nord. »
Les mosaïque du sol de la villa
D’autres éléments indiquent que les gens qui vivaient ici il y a 2 000 ans étaient probablement une famille de haut rang. « Il semblerait que cette habitation pouvait compter une quinzaine de pièces et, nous n'avons pas la preuve formelle, mais elle disposait peut-être de thermes privés » nous dit Johanny Lamant, spécialiste de la période antique. « On trouve du “mortier de tuileau“ qui est un matériau hydrofuge utilisé pour les thermes, ainsi que des canalisations en terre cuite qu’on appelle des “tubuli“ et des excavations qui indiquent sans doute un “hypocauste“, donc des systèmes de chauffage, typique des thermes. Seul un notable pouvait s'offrir cela. »
Énigmatiques sépultures
Sur une autre partie du site, huit sépultures ont également été révélées, mais d’une époque probablement beaucoup plus récente. Une dizaine de squelettes, dont celui d’un adolescent de 11-12 ans, ont été prélevés pour analyse.
Affleurant de terre, un crane.
« Il n’y a pas de mobilier, on ne retrouve pas de signes funéraires de l’époque antique. Tout indique des inhumations en terre chrétienne, mais aucun texte ne mentionne de cimetière paroissial à cet endroit, nous avons peu d’indices. Les XVIe et XVIIe ont connu beaucoup de guerre et d’épidémie, c’est une piste. Notre anthropologue, Nadège Robin, va étudier les ossements et nous en sauront plus. Une datation au C14 peut aussi être envisagée. »