Publié le 13 mai 2022 - Mis à jour le

La bataille de Montcornet, 17 mai 1940

Passée la surprise des premiers jours de l’invasion, l’état-major de l’armée française décide le 15 mai de rétablir le front à tout prix et de protéger Paris, persuadé que l’axe d’attaque visé par la Wehrmacht va se replier à un moment ou à un autre vers le Sud. Pour cela, elle rassemble les divisions encore disponibles et décide d’établir un nouveau front de la Somme à l’Aisne. Pour couvrir l’installation de ces unités et gagner du temps, il est décidé d’envoyer en urgence dans la région de Laon une unité nouvellement créée sous le commandement de l’un des théoriciens de l’arme blindée en France : la 4e division cuirassée (DCR) du colonel de Gaulle.

Organiser la défense du Laonnois

Le 15 mai à 15h, le colonel de Gaulle quitte Le Vésinet (Yvelines) où l’état-major de la 4e DCR est rassemblé et prend la route de Laon avec une division qui n’existe alors que sur le papier mais dont les unités qui la composent doivent le rejoindre dans l’Aisne. Entouré de ses officiers et d’un détachement, il prend la route de Soissons tandis que son chef d’état-major et son QG partent pour Corbeny. Ayant dépassé Soissons vers 17h, il arrive au sud de Laon et se fixe dans la soirée à Bruyères-et-Montbérault où est déjà installé le 4e groupe autonome d’artillerie qu’il intègre à ses forces. Ayant reçu l’ordre de la 6e armée d’établir des barrages antichars, le colonel de Gaulle couvre les flancs de la 4e DCR en installant des bouchons défensifs à la lisière nord-est de la forêt de Samoussy, à la gare de Saint-Erme (Maison Bleue), et au passage de l’Aisne à Neufchâtel avec les maigres moyens dont il dispose.

Plaque commémorative indiquant la maison de Bruyères-et-Montbérault où le colonel de Gaulle installa son PC. ©CD02

Préparer une reconnaissance offensive

Le 16 mai, les unités de chars composant sa division rejoignent peu à peu le Laonnois et il peut signer dans l’après-midi son ordre d’opérations n°1 : celui-ci planifie pour le lendemain une reconnaissance offensive de 25 km en direction de Montcornet où les Allemands sont signalés, alors qu’il ne dispose presque pas d’infanterie, que ses équipages ont une formation incomplète, ses chars une consommation excessive en essence et une liaison radio défaillante. De l’avis même de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Rime-Bruneau : « C’est de la folie mais de Gaulle compte sur le choc psychologique ». A la nuit tombée, il donne personnellement ses ordres aux chefs des unités qui doivent attaquer tandis que, consciente du danger, l’armée allemande dispose de son côté des mines sur les points de passage et organise des positions défensives à l’aide de pièces antiaériennes et antichars.

Char D2 de la 345e CACC sur la route nationale n°2 en route vers le Laonnois, le 16 mai 1940. ©Photographe inconnu/SCA/ECPAD/Défense/2ARMEE 91 B1089

Objectif : la vallée de la Serre

Le 17 mai, après avoir quitté Bruyères à 2h, le colonel de Gaulle assiste à 4h15 au départ des chars B1 Bis du 46e bataillon de chars de combat (BCC) et des chars D2 de la 345e compagnie autonome de chars de combat (CACC) en lisière de la forêt de Samoussy. Ceux-ci débouchent sur Liesse-Notre-Dame puis Chivres non sans difficultés, une colonne allemande égarée ayant croisé leur route. Pendant une grande partie de la matinée, l’ambiance est à la guérilla sur le parcours des chars lourds, les combattants allemands échappés de la colonne en flamme s’étant réfugiés dans Chivres et Bucy-lès-Pierrepont, il faut que les quelques combattants français rattachés aux unités de chars, fort heureusement dotés de pistolets-mitrailleurs, fouillent et nettoient méthodiquement chaque village. Il faut dire que l’infanterie manque cruellement pour épauler les chars, et le colonel de Gaulle reçoit très sévèrement le commandant Bertrand du 4e bataillon de chasseurs portés qui arrive seulement à Gizy à 8h30, trop tard pour intervenir dans le déroulement de la bataille.

Groupe d'officiers allemands posant
devant le char B1 bis « Lyautey »
du 46e BCC, abandonné à la suite
d’une panne d'essence à Bucy-lès-
Pierrepont le 17 mai 1940. ©Arch.
dép. de l’Aisne, 2 Fi 1.
Char R-35 du 24e BCC détruit à
l’entrée de Montcornet, le 17 mai
1940. © Arch. dép. Aisne, 2 Fi 14
Chars R-35 du 24e BCC détruits à
l’entrée de Montcornet, le 17 mai
1940. ©Kurt BOECKER/Luftwaffe
K.B.K. 4/ECPAD/Défense/DAA
499 L3

 

De leur côté les chars lourds du 46e BCC et de la 345e CACC progressent plus difficilement et perdent beaucoup de temps à faire le plein de carburant à Bucy-lès-Pierrepont de 12h à 16h. Vers 15h les chars D2 descendent vers Montcornet par la route de Laon et détruisent une colonne allemande. Conscient de l’impossibilité de percer à Montcornet où l’armée allemande a positionné des mines et des canons de 8,8 cm Flak en position antichar, le colonel de Gaulle ordonne le repli vers 16h, celui-ci s’opérant entre 18h et 21h sous les bombes des Stukas. Le 46e BCC qui se replie sur Clermont-les-Fermes perd alors son chef, le commandant Bescond, tué à bord du « Sampiero Corso » à La Ville-aux-Bois-lès-Dizy. Vers 22h les chars D2 se replient à leur tour et croisent peu avant Liesse le colonel de Gaulle qui les attend.

Conclusion

La bataille de Montcornet aura été un échec militaire mais du temps a été gagné et la manœuvre a inquiété les Allemands qui maintiennent leur Haltbefehl jusqu’au 18 mai afin de renforcer les flancs de leur percée. À la fin de la journée, 23 chars ont été perdus ainsi que 14 tués, 6 blessés et 9 disparus, et Montcornet est toujours aux mains des Allemands dont les mouvements offensifs n’ont pas été entravés. En fait, le succès de la 4e DCR à Montcornet est surtout d’ordre psychologique : au sein de sa division, l’expérience du terrain fut formatrice et la confiance est installée, tandis qu’à l’échelle nationale ce qui est présenté comme une contre-attaque réussie en pleine débâcle permettra d’asseoir le prestige de Charles de Gaulle et posera les fondations du gaullisme comme palliatif au syndrome de 1940.

Char AMX-13 du monument en souvenir des combats des 15 et 17 mai à Montcornet, CD02

L'œuvre "La Résilience"

Elément central de l’ensemble mémoriel de la Bataille de France dans l’Aisne, l’œuvre « La Résilience » a été commandée en 2020 par le Conseil départemental de l’Aisne en hommage aux combattants français de mai-juin 1940, dont le colonel Charles de Gaulle, qui envoya ses chars en reconnaissance offensive sur Montcornet le 17 mai 1940. Cette œuvre fut inaugurée le dimanche 21 novembre 2021 à Montcornet lors de la cérémonie départementale donnée en mémoire des combattants de la Bataille de France de mai-juin 1940.

Afin de personnifier les combattants de la Bataille de France, l’œuvre est composée de lames comportant chacune un portrait sculpté : le colonel Charles de Gaulle, mais aussi des soldats d’unités ayant combattu durant la Bataille de France dans l’Aisne : fantassin, cavalier, chasseur alpin, zouave, tankiste, aviateur, regardant devant eux, au-delà des combats. Ces lames d’acier corten symbolisent à la fois le métal des chars, comme éclaté après avoir été percuté par un obus, et la dernière muraille, certes fissurée, mais qui reste toujours debout, comme les combattants qui y sont évoqués, qui demeurent unis pour défendre le territoire et la République.

La disposition des lames, en cercle, formant un léger mouvement de spirale allant de la terre au ciel, évoque la forme d’un tourbillon ascendant, celui de l’histoire qui s’emballe, menant au conflit et emportant les hommes.

La Résilience - Emilie Prouchet-Dalla Costa ©FX. Dessirier, CD02

L’ensemble mémoriel de la Bataille de France dans l’Aisne en 1940

Appelés aux armées par la mobilisation partielle à la fin du mois d’août puis par la mobilisation générale du 1er septembre 1939, les Axonais en âge de se battre rejoignent rapidement les 147e, 136e et 155e régiments d’infanterie de forteresse (RIF) du secteur fortifié de Montmédy, tandis qu’à La Capelle et Hirson sont formés les 45e et 124e régiments d’infanterie (RI) qui intègrent la 4e division d’infanterie (DI). À leurs côtés sont aussi partiellement rassemblés des éléments du 91e RI qui, avec le 67e RI de Soissons et les 42e régiment d’artillerie divisionnaire (RAD) et 242e régiment d’artillerie lourde divisionnaire (RALD) mobilisés à La Fère, entrent dans la composition de la 3e division d’infanterie motorisée (DIM). En outre, le centre mobilisateur de l’artillerie de La Fère forme également les 301e et 302e régiments d’artillerie à pied (RAP) et le 102e régiment d’artillerie lourde tractée (RALT).

Ces Axonais vont se battre en mai-juin 1940, et l’on compte près de 800 Axonais « Morts pour la France » durant cette période, et leurs noms sont inscrits ici : des hommes de la 3e DIM tombés dans la bataille de Stonne, mais aussi de la 4e DI qui, rattachés à la 7e armée, font face en Belgique puis dans la poche de Lille à l’attaque allemande. Mais il ne faut pas oublier non plus ceux affectés au secteur fortifié de Montmédy, et qui vont être les premiers confrontés à l’attaque allemande, à l’image de ceux du 155e RIF qui est particulièrement touché quand les Allemands attaquent l’ouvrage de La Ferté les 18 et 19 mai.