A la fin de l’été 1944, talonnée par les avant-gardes de l’armée américaine, l’armée allemande est en plein repli et les accrochages sont nombreux avec les résistants, et le 31 août 1944, des SS prennent 14 hommes en otages à Plomion puis les exécutent tandis que 36 maisons sont incendiées.
A la fin du mois d’août 1944, le département de l’Aisne est le théâtre du repli allemand. Alors que les éléments avancés de la 3e division blindée américaine traversent le Laonnois, les restes des divisions blindées SS Adolph Hitler et Hitlerjugend rassemblées en un Kampfgruppe sous les ordres du SS-Standartenführer Mohnke se replient vers le nord-est du département et tiennent les ponts sur la Serre entre Marle et Montcornet. Harcelés par les résistants qui procèdent à de nombreux sabotages et embuscades pour les ralentir, des éléments SS commettent déjà des exactions, comme à Tavaux-et-Pontséricourt le 30 août, où ils incendient 86 maisons et massacrent 20 civils innocents après un accrochage avec les résistants locaux. Dans un contexte de tension extrême où les civils peuvent à tout instant être à la merci de troupes allemandes accoutumées aux exactions sur le front de l’Est, la Libération approche néanmoins pour les Axonais.
Des représailles à une embuscade
Il est à peine 15h au clocher de l’église fortifiée de Plomion quand une trentaine de soldats allemands à bord d’un camion sont pris pour cible par la Résistance à proximité du Pont Bourton qui enjambe le Huteau sur la route entre Plomion et Nampcelles-la-Cour. Les Allemands s’arrêtent à l’entrée de Plomion et font constater les impacts de fusil par le garde-champêtre, Alfred Gobinet, dont le domicile se situe à proximité. Furieux, ils repartent donner l’alerte à Bancigny, et sont bientôt rejoints par d’autres véhicules SS. Remontant les rues du village, les SS reçoivent l’ordre de prendre 20 otages et de brûler Plomion. Leur première victime sera le garde-champêtre, Alfred Gobinet, qu’ils prennent en otage tandis que sa maison est incendiée. Arrivés sur la place du Calvaire, les marchands-forains de la famille Jouart sont à leur tour arrêtés, tandis que toutes les maisons de la rue de Vervins sont pillées et incendiées à l’aide d’essence et de grenades incendiaires. Le notaire, Léon Mandron, qui parle allemand, tente bien de parlementer avec les SS, mais sa démarche le condamne à son tour. Peu à peu, 17 hommes sont rassemblés en colonne, parmi lesquels le garde-forestier Paul Lebrun, Frantz Legrand, le gérant du bar-tabac ou encore Georges Thibolot, gardien de la paix à la retraite. Deux otages réussissent heureusement à s’échapper et Alfred Gobinet, déjà âgé, est relâché. Violentés à coups de crosse et à coups de pieds, les 14 otages restants sont maintenus durant deux heures avec les mains sur la tête tandis que la moitié des maisons de Plomion brûlent sous leurs yeux.
L’exécution des otages
Vers 17h30, après deux heures de calvaire au milieu du village en proie aux flammes, les 14 otages sont poussés par leurs bourreaux jusque dans une pâture à la sortie nord de Plomion, sur le chemin du Petit Lugny. Ils s’appelaient : Pierre Boucher, 20 ans, André Colombe, 34 ans, Edmond Jouart père, 68 ans, Edmond Jouart fils, 34 ans, Ferdinand Jouart, 41 ans, Désiré Jouart, 25 ans, Fernand Jouart, 16 ans, Frantz Legrand, 35 ans, Emile Lefèvre, 29 ans, Paul Lebrun, 29 ans, Léon Mandron, 45 ans, Paul Minez, 18 ans, Georges Thibolot, 56 ans, Eugène Valle, 72 ans. A 18h, ces vieillards, ces hommes et ces adolescents commencent à être méthodiquement et froidement exécutés. Un témoin caché derrière une haie racontera alors : « Ils arrivent par groupes de trois et sont alignés près d’une haie. Six boches, commandés par un lieutenant, tirent d’une distance de trois mètres, une première rafale de mitraillette dans les jambes des innocents. Après qu’ils furent tous tombés, une deuxième rafale les frappe en plein corps. S’acharnant sur eux, les barbares leur fracassent la tête à bout portant ».
Certains corps seront effectivement tailladés et défigurés à coups de baïonnettes, avant que les SS ne quittent les lieux du massacre.
La mémoire des martyrs de Plomion
Les corps des otages fusillés à Plomion ne seront découverts que le lendemain. Ils seront alors transportés à l’école du village, transformée en chapelle ardente. L’on pouvait lire alors, écrit à la craie sur les tableaux noirs : « Français, souvenez-vous de nos martyrs lâchement assassinés par les boches » et « Nos Alliés les vengeront ». Les responsables de ce massacre ne furent jamais clairement identifiés ni condamnés, mais il pourrait s’agir d’hommes du SS-Panzergrenadier-Regiment 25, qui faisaient partie de la 12. SS-Panzer-Division Hitlerjugend, commandée par le SS-Brigadeführer Kurt Meyer, dont la présence non loin des lieux fut attestée à la même période.
En souvenir des hommes qui furent massacrés le 31 août 1944, un monument fut érigé quelques années après la guerre sur les lieux mêmes de leur martyr. Réalisé sur les plans de l’architecte R. Cabet et du sculpteur R. Antoine, ce monument se compose de 14 stèles symbolisant les victimes du massacre de Plomion et l’emplacement où elles sont tombées. Au-dessus des stèles sont symbolisés différents attributs correspondant aux métiers des 14 fusillés : agriculteur (faux, bêche, gerbe de blé), rémouleur (ciseaux), gardien de la paix (casque, écusson, matraque), mécanicien (tournevis, roue, pied à coulisse), serrurier (clés, meule) ou encore notaire (livre de la loi, stylet).
La commune de Plomion veille désormais sur la mémoire de ces victimes de la barbarie nazie. En 2016 fut inaugurée la place Jouart en souvenir de la famille de forains qui y furent arrêtés et fusillés, et une cérémonie a lieu chaque année en mémoire des 14 fusillés de Plomion. Dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, et afin de valoriser cette histoire et mettre en lumière le monument qui honore leur souvenir, une borne du réseau départemental « Aisne Terre de Mémoire » a été inaugurée en ce lieu le 25 août 2024.